Respectivement fille et fils des frères Barthelmé, Pauline et Antoine sont l’avenir de cet emblématique domaine alsacien. Beaucoup d’envie et de nombreux défis. D’abord, prendre le relais. Par Guillaume Puzo
Une page se tourne au domaine Albert Mann, à Wettolsheim. Depuis 1994 et la disparition d’Albert, le domaine était incarné par son gendre, Maurice Barthelmé, et son frère Jacky, deux figures du vignoble alsacien qui ont su développer l’exploitation pour atteindre 25 hectares, répartis notamment sur sept grands crus. Maurice a pris sa retraite en 2019. La génération suivante est déjà sur le pont : Pauline, millésime1991, arrivée en 2016 après une formation à la gestion et Antoine, millésime 1995, arrivé définitivement au domaine en 2019 après unBTS vitio-eno et de belles expériences dans le vignoble. Comment laisser la place tout en gardant son rôle ? Dilemme cornélien. « Je me vois mal arrêter de travailler, il faut que je trouve un truc pour m’amuser », avoue Jacky, 58 ans, au domaine depuis 1989. Souriant et sérieux à la fois, son fils Antoine est prêt à l’aider : « Je suis plus intéressé aujourd’hui par le fait de prendre les rênes au domaine Albert Mann avec ma cousine Pauline. En parallèle, mon père peut donner la pleine mesure au pinot noir sur un autre domaine, par exemple cinq hectares en Alsace ».
La transition n’est pas évidente à mettre en place. Les enjeux actuels et futurs ne manquent pas. Là, la voix de l’expérience parle. « La pro-chaine génération devra faire preuve de flexibilité et de réactivité dans le vignoble », professe Jacky.« Il faudra avoir du monde, dans les périodes charnières. Avant, on avait plus le temps de faire des choses, même si on se retrouvait souvent à la bourre faute de personnel en nombre suffisant.Aujourd’hui, il faut essayer le plus possible d’être à jour. En 2021, par exemple, la pluie et le mildiou ne nous ont laissé aucun répit. » Sur ce point, Antoine partage l’avis de son père : « Le problème aujourd’hui, c’est d’avoir la main d’œuvre qualifiée pour travailler en biodynamie sur un domaine aussi étendu que le nôtre, avec près de80 îlots viticoles. Mais la réflexion sur le couvert des sols ou la gestion d’une ressource en eau qui se raréfie, tout cela avait été initié depuis cinq à six ans par mon oncle Maurice. C’est dans ce cadre-là qu’on s’était séparé de vignes en plaine,dans la Harth, à Colmar, au profit d’autres plus qualitatives, en coteau, où la contrainte hydrique était moindre ».
Les réflexions portent aussi sur l’accueil à la propriété. L’œnotourisme en Alsace a le vent en poupe et un nombre croissant de visiteurs sonnent au domaine. Pauline, qui reprend toute la partie administrative aux côtés de sa mère, reconnaît que c’est une tâche chronophage qui s’additionne aux autres missions quotidiennes.Son oncle Jacky, lui, préfère relativiser : « C’est plutôt un bon problème. Dans le temps, les clients il fallait les chercher ». Preuve qu’il ne désapprouve pas cet aspect du métier, Antoine nous confie :« Moi ce qui me plaît, c’est de raconter les histoires du domaine, ce que mon père fait ou ce que mon grand-père faisait ». Le travail peut aussi rimer avec plaisir. « Pour faire des grands vins, il faut en boire ! », précise avec malice Jacky. Chez Albert Mann, on a toujours travaillé en passion et en famille. Aucune raison que cela ne change.